Vous avez fait un choix, Mme la Députée
Vous avez tenu, lors d'une réunion de la commission des finances à l'assemblée nationale le 27 janvier dernier, les propos suivants : "La vie est faite de choix [...] beaucoup d’AESH […] choisissent ce statut pour avoir les mercredis et les vacances scolaires, et elles assument. "
En tenant de tels propos pour justifier la précarité qui nous est imposée, vous semblez méconnaître la notion de statut de la fonction publique, dont nous sommes en réalité privées : nous n'avons pas choisi cette absence de statut professionnel, ni la précarité et le salaire en dessous de 800 euros.
Mais surtout, en tenant de tels propos, c'est vous qui avez fait un choix : celui de vous en prendre avec mépris aux plus précaires, alors même que vous semblez ne rien connaître de leur situation.
Car, sans généraliser outre mesure comme vous le faites, quelle est cette situation ?
La majorité des AESH sont des femmes. Nombre d'entre elles sont isolées et élèvent seules leurs enfants. Vous conviendrez qu'un salaire de 800€ net par mois n'est pas suffisant pour vivre. Beaucoup d'AESH cumulent avec un, voire deux emplois pour réussir à joindre les deux bouts. Le saviez-vous : elles sont dans l'obligation de demander la permission à leurs supérieurs de cumuler leur emploi avec un autre. Permission qui ne leur est pas toujours accordée. Donc non, quand on est AESH ce n'est pas un choix de vivre en dessous du seuil de pauvreté. Demander aux restos du cœur des colis alimentaires non plus. Nos vacances scolaires ne nous permettent pas d'emmener les enfants à la mer mais à travailler ailleurs, tout comme les mercredis.
Nous sommes négligées par nos DSDEN qui ignorent nos appels ou nos mails. Dans nos établissements nous souffrons bien souvent d'un manque de considération de la part de notre hiérarchie qui ne voit pas d'inconvénients à nous imposer des tâches qui ne font pas partie de nos missions. Il faut dire aussi qu'il n'y a pas vraiment de cadre et que les circulaires s'enchaînent et que chacun se les approprie comme il en a envie, bien entendu au détriment des AESH qui ne sont jamais consultées.
Nous sommes censées faire partie de l'équipe pédagogique mais on n'est pas toujours prévenues des réunions ou des projets scolaires et on ne nous demande jamais notre avis, comme si nous n'étions pas des personnes humaines et vivantes.
Nous ne sommes pas vraiment formées à ce métier, mis à part quelques heures théoriques et sans intérêt la première année. Pas de brevet de secourisme non plus. Nous sommes amenées à suivre plusieurs élèves en même temps, ou dans différents établissements pas forcément proches, au détriment des élèves. Au fil du temps nous avons de plus en plus affaire à des élèves devant lesquels nous nous trouvons démunies car nous faisons le travail d'éducateur spécialisé sans la formation qui va avec.
Nous vous invitons enfin à visionner les vidéos de notre chaîne youtube qui vous apportera les connaissances nécessaires sur le métier d'AESH et leurs conditions de travail et de vies : "ça nous est arrivé AESH ».
Oui, nous aimons notre travail, mais qu'il est difficile de le pratiquer au quotidien !
Face au tollé que vos propos ont suscité, vous avez rapidement dû présenter vos excuses : "Mes mots d’hier ont pu laisser penser que je minore les difficultés qu’elles traversent. Ce n’est pas le cas. Aussi, je présente mes excuses à ceux qu’ils ont heurté".
Ces contritions condescendantes, dont on ne comprend pas bien à qui elles sont destinées, vous donneront peut-être bonne conscience à peu de frais. Cependant, vous ne revenez pas sur vos dires : aussi nous ne pouvons que refuser ce que nous considérons comme de fausses excuses.
De réelles excuses consisteraient par exemple à regarder la situation des AESH en face et à faire d'autres choix : vous pourriez par exemple utiliser votre mandat de députée pour porter une loi créant un véritable statut accompagné d'un salaire décent.
Mais au delà de vos propos justifiant notre salaire misérable, vous avez plutôt choisi de soutenir un gouvernement qui nous maintient dans la plus grande précarité, et qui aggravera encore cette précarité avec la réforme des retraites. En effet avec nos carrières souvent hachées et nos temps partiels imposés, il sera encore plus difficile de parvenir à la retraite avec une pension à taux plein. Pour combler un déficit temporaire qui, d'après le COR, ne menace pas le système des retraites, vous êtes ainsi de ceux qui ont choisi de prendre dans nos poches et celles des autres travailleuses et travailleurs pauvres plutôt que d'aller chercher l'argent là où il se trouve : par exemple dans les 100 milliards de fraude fiscale ou dans les exonérations de cotisations sociales et autres cadeaux faits au patronat.
Vous avez donc fait un choix Mme la Députée, et nous nous permettons de vous conseiller d'en faire un autre, diamétralement opposé : celui d'œuvrer pour plus de justice sociale.
En attendant, soyez assurée, Mme la Députée, de notre détermination à lutter pour un vrai statut, un vrai salaire, et des conditions de travail dignes.
Le collectif AESH 21-71,
soutenu par les syndicats SUD éducation 21-71, CGT Educ'action 71, SNUipp-FSU71, Snes-FSU71